Je me rappellerai toujours l’odeur lorsque la porte de l’avion s’est ouverte et qu’on a marché sur le tarmac. Mes sens se sont automatiquement mis sur le 220 volts. Il faisait nuit noire comme en Afrique ! Et ben, justement, c’est précisément là qu’on se trouvait, au Togo en Afrique de l’Ouest. On entendait les moteurs bruyants des voitures et leurs klaxons ; l’odeur du diesel mélangé à celle de la savane. On ressentait les vibrations des autres avions qui se préparaient à décoller et de cette nuit plus que noire, émergeait une chaleur humide qui venait se coller à nos peaux de jeunes coopérants de l’hémisphère nord. Je me souviendrai aussi pour toujours de cette pensée qui me traversa à cet instant et qui disait : « Bienvenue à la maison Stéphanie ».
Puis ce sont les douaniers qui nous ont dit : « Bienvenue au Togo ! » et ça a commencé là. Comme si ces douaniers durant cette nuit noire africaine m’avaient injecté une drogue à laquelle je voudrais goûter toute ma vie. L’excitation de la découverte et l’aventure que procurent les voyages, accompagnés d’un shooter de liberté.
J’avais 16 ans et ils venaient de me condamner drette là à vouloir explorer tous les pays, toutes les cultures ; découvrir toutes les mœurs du monde. Méchante addiction ! Welcome to Africa Stéphanie!
Comme c’est l’été (encore un peu), je voulais garder ça léger. J’aime beaucoup les collages. C’est une des premières approche créatives que nous explorons pas mal tous enfants et c’est ce que j’aime, le côté naïf et libre du collage. Papier, ciseaux, crayons de couleur et… tadam ! C’est simple et facile de créer rapidement avec des images que l’on a sous la main. J’ai pris l’habitude de garder dans une boîte des images que je trouve belles ; de vieilles cartes de fête, des bouts de revues, les dessins des enfants ou même des bouts de papier d’emballage, ça peut être pas mal n’importe quoi en fait. Cette boîte est comme mon coffre au trésor ; je la consulte aussi quand je suis en panne d’idées. Mais revenons à mon histoire africaine…
J’avais 16 ans la première fois que j’ai mis les pieds en Afrique. J’étais en secondaire cinq et l’école où j’allais participait à un programme de coopération, un camp de travail avec des coopérants québécois, français et togolais. J’ai pour la première fois été confronté à une culture complètement différente de la mienne. Je dis culture, mais je devrais plutôt dire « monde » car on croyait vraiment qu’on venait d’atterrir sur une autre planète. Oui, les gens sont plus foncés, mais comme mon père est indien et vient de la Guyane anglaise, ce n’est pas ce qui m’a sauté aux yeux en premier. J’aurais aimé pouvoir raconter comment les temples datant de dizaines de milliers d’années étaient impressionnants ou comment les fossiles d’espèces d’animaux disparues m’ont impressionné, mais non. Non, ce qui m’a sauté aux yeux en premier dans notre nouvel eldorado est l’authenticité et la joie.
La joie qui émane du sol sur lequel les pieds des danseurs frappent à l’unisson pour garder le rythme dans un village, un marché. La joie dans le rire des enfants qui viennent toucher nos cheveux de blancs et encore cette même joie qui s’échappe des jeunes filles qui nous montrent comment ajuster un pagne. (Et qui nous trouve crissement incompétente) ! Cette joie nous a aussi pris d’assaut nous les Nordiques. On s’est surpris à sourire quand on était pris dans des embouteillages monstres ; ou encore à rire quand notre tour de douche venait et qu’il n’y avait plus d’eau chaude. Personnellement, ça m’a vraiment monté à la tête cette histoire de joie et d’authenticité. Je me suis mise à rire tout le temps ! On allait au travail, je riais ; on discutait avec d’autres coopérants, je riais ; on allait au tailleur pour se faire coudre des pantalons, OK là j’étais vraiment crampé ! (C’était toute une expérience cette fois-là !)
Vingt-cinq ans plus tard, quand je ferme les yeux, je peux facilement encore ressentir l’énergie de ces moments joyeux, loufoque et complètement fou qui ont fait partie de ce périple. L’énergie de chaque voyage, chaque endroit que j’ai visité ; c’est ce qui est le plus important d’emmagasiner dans ma conscience. C’est ce que j’ai voulu reproduire dans ce collage.
Nous avons tous un bagage personnel rempli d’expériences uniques qui forme le système solaire de nos vies. Mon système gravite autour de moi en permanence et je peux aller y puiser des souvenirs, des sensations quand je le souhaite. Bon voyage!
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