La douce nostalgie du Ikea

C’était la fin des années 90 et on se pensait ben smatte ! Ben oui, quoi ! Le futur et l’an 2000 étaient à portée de main. C’était aussi la mode de « partir en appart ». Tout le monde partait en appart, cherchait un appart ou cherchait des colocs déjà en appart ou avec qui partir en appart. Dans mon cercle d’amis, certains avaient déjà fait le grand saut ; moi j’étais sur le bord du plongeon. Chaque jeudi, mon futur coloc et moi allions chercher le feu journal Voir et scrutions les petites annonces de la rubrique « logement à louer » avec une immense dévotion et en espérant dénicher le meilleur deal entre les métros Mont-Royal et Laurier.

J’avais évidemment quelques objets dans mon trousseau, mais tout nouveau locataire qui se respecte devait aller faire son pèlerinage au Ikea. Pas le choix ! L’obligation de remplir son gros sac bleu avec des items utiles (ou pas) était un passage obligé. Comme une initiation pour avoir un accès complet au confort de son logement. Il fallait préparer son périple ! Emprunter un char, de préférence une van ; se lever tôt un samedi matin et affronter la foule bigarrée, et principalement banlieusarde. Il fallait penser à ne pas oublier nos mesures prises approximativement et inscrites sur des bouts de vieilles factures… Sur place, on fouinait, on essayait, on s’obstinait (un peu), on mangeait nos boulettes puis on repartait le cœur heureux persuadé d’être passé maître en organisation.

De ces périples, il ne me reste plus grand-chose, mise a part, la table de chevet Aspelund en MDF plaqué style bois de noyer. Elle me suit depuis plusieurs années. Elle est assez versatile. Elle a servi dans la chambre, mais aussi dans le salon et même dans une salle de bain. (Ouin, c’était une grande salle de bain dans cet appart-là !) Je voulais la garder, car son espace de rangement est assez grand. J’avais aussi de beaux transferts de la compagnie IRON ORCHID DESIGNS. Un transfert est une image que l’on peut ajouter à un projet décoratif. Elle est imprimée sur un vinyle transparent et elle est autocollante. En frottant sur celle-ci avec le petit outil fourni à cet effet, elle adhère à la surface où l’on souhaite l’ajouter. Pour le transport et afin de faciliter l’application ; un papier quadrillé la protège et aide pour le positionnement sur la nouvelle surface. Ils ont plusieurs modèles vraiment intéressants. Écritures, fleurs, papillons et oiseaux ; tout pour combler la nostalgique en moi.

Autant je suis capable d’aimer et utiliser le criard, l’avant-gardiste, le pop, le punk, le contemporain avec des lignes dures et des couleurs fortes ; mixer des choses qui peuvent sembler disparates au premier coup d’œil ; je ne peux résister à l’écriture en lettre attachée agrémentée de fleurs séchées ! C’est moi ça ! Amoureuse des paradoxes ! Avec Aspelund, je me suis assumée et j’ai laissé ma fleur bleue s’exprimer.

Après l’avoir sablée, j’ai appliqué l’apprêt BULLEYE’S 1-2-3 de la marque ZINSSER. Ensuite, j’ai mis une couche de rose nostalgie ! Une fois celle-ci bien séchée, j’ai frotté le meuble avec une chandelle blanche. La cire scelle la première couche de peinture (le rose) et ne permet pas à la deuxième d’adhérer. J’ai frotté plus fort dans certaines zones; les coins et les côtés du meuble pour y mettre l’emphase. Après coup, j’ai mis la couche de peinture blanche et avant qu’elle ne soit complètement sèche ; j’ai retiré l’excédent avec une spatule et une laine d’acier par la suite. Cette technique imite les stries du bois et les effets du passage du temps. Un peu comme le fini style craquelé mais plus doux. Une fois que tout a été bien sec, j’ai positionné mon transfert et suivi les instructions. J’ai délibérément choisi de l’installer sur le côté pour qu’on puisse le voir sous deux angles différents. Et puis les choses imparfaites sont toujours beaucoup plus intéressantes, et ce, en déco aussi !  J’ai ajouté quelques transferts de papillons pour compléter mon look nostalgie à 100 %.

Il y a quelque chose de doux et de rassurant qui vient avec la nostalgie. Elle est pour moi comme une vieille couverte avec laquelle j’aime m’envelopper et regarder les effets du temps qui est passé. Elle me permet de me lover dans un monde de rêverie rose figé dans une époque pas si lointaine. De rejouer le scénario de ma vie, d’en être l’actrice principale ou d’y faire un simple caméo. Cette couverture, je l’ai mise si souvent pour me protéger et me rassurer. Comme un cocon cristallisé. Mais les petits miroirs de ce cocon cristallisé se sont mis à scintiller si fort qu’ils ont éclaté dans toutes les directions. Tellement, que le temps en a quitté sa trajectoire linéaire avec comme seule possibilité, l’intégration de toutes ces parcelles de vies afin de mieux aller de l’avant. Laisser aller ce qui ne convient plus, remodeler nos idéaux et revoir nos aspirations. Polie, lisser et nouvellement vernis comme Aspelund !