

Miro et Moi

J’étais en deuxième année dans la classe de madame Huguette la première fois qu’on m’a présentée à lui.
La première chose qui m’avait happée était la vibrance des couleurs contenues par tout ce noir ; les traits contours noirs. J’avais trouvé cela réconfortant et provocant à la fois. Pis je m’étais demandé si c’était un « vrai » peintre car tout le monde est capable de dessiner ça des ronds et des bonhommes allumettes qui volent…
C’est vraiment quand on m’a dit qu’il ne faisait pas juste de la peinture, mais aussi de la sculpture et de la céramique que j’ai accroché. Quoi ? On peut explorer plusieurs formes d’art et les exposer en même temps ? Ça, c’était nouveau pour moi. Jusqu’ici, je savais qu’un auteur écrivait des livres ; qu’un illustrateur faisait des dessins mais qu’un peintre fasse de la sculpture ? Fouille-moi pourquoi, je comprenais pas, et ça c’était excitant !

Ça fait qu’après avoir fait quelques travaux sur lui, durant quelques semaines et pour être sûr de ne pas faire honte à madame Huguette ; on a pris le métro. Juste la petite brise quand le train arrive sur le quai a été suffisante pour nous donner le goût de la liberté citadine ! Watch out Montréal ! La classe de madame Huguette s’en vient ! On veut confirmer que c’est possible un peintre qui sculpte !
Restez assis en Indien, écoutez les consignes et suivez le guide .
Ce qui m’avait frappée en débutant la visite de cette exposition étaient l’utilisation de tous ces petits symboles, comme un langage. Une langue connectée au monde du rêve avec des symboles et des yeux volants. Il travaillait beaucoup, genre 10 heures par jour. Le guide a expliqué qu’en travaillant, il ressentait comme de petits chocs dans sa tête…
Nous avons admiré plusieurs de ses œuvres et vu les photos de ses sculptures confirmant ainsi qu’il est possible d’explorer plusieurs médiums, de les maîtriser et de réussir à s’exprimer à travers ceux-ci.


Je ne sais pas d’où vient cette tendance à juger et à avoir peur des gens qui se débrouillent et maîtrisent plusieurs disciplines ; ou qui sont bons dans plusieurs choses, surtout lorsqu’elles sont dans des domaines différents. On se dit, ça se peut pas ; il doit pas être si bon que ça. Et très souvent, on rabaisse le travail de cette personne car on la compare avec des gens qui pratique la même discipline et ce, depuis plusieurs années de façon exclusive. Peut-être parce que depuis que nous sommes petits, on nous martèle de faire un choix. On nous demande ce qu’on voudra faire quand on sera grand. On valorise notre compétence la plus forte au détriment des autres. On prend des cours d’une chose. On choisit un programme à l’école. On se spécialise, on devient le meilleur dans un champ d’expertise. Ensuite lorsqu’on rencontre de nouvelles personnes on se présente et l’on dit :
Bonjour, mon nom est Blablabla…
-Bonjour Blablabla, qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
– Je suis professeur.
-Bonjour Stéphanie, que faites-vous dans la vie ?
-Euh… Laisse faire, c’est long… !

Je me rappelle avoir quitté l’expo la cervelle remplie de couleurs et l’impression d’avoir un peu réussi à décrypter un genre de code secret. Un hiéroglyphe de couleurs et de formes. Il avait parlé à mon cœur ce cher Joan Miro. En utilisant plusieurs médiums de création, il m’a montré comment sortir du cadre ; que les débordements hors cadre sont les plus beaux. Ils nous poussent à puiser plus loin dans les flots créatifs. Je l’ai dit que j’adore nager right ? Ils nous incitent à chercher d’autres perspectives et nous ouvrent sur de nouveaux mondes. Ils permettent une forme de dépassement et une immense fierté d’accomplissement. Ben oui, tout ça juste en coloriant à l’extérieur des lignes…

Il y a quelques années, lors d’un voyage à Barcelone, je me suis bien entendu rendu à la Fondation Joan Miro. J’ai apprécié la visite mais il me semble qu’il y avait beaucoup (trop) de groupes scolaires…
À la boutique, j’y ai acheté le tableau « La Maternidad ». À cette époque, j’essayais de tomber enceinte pis ça marchait pas… J’avais ressenti beaucoup de réconfort dans ce tableau. Un ovule, un spermatozoïde, un pendule et deux bébés volants. Huit ans plus tard, c’est ça. Mes bébés s’envolent et puis moi j’ai acquis un certain talent pour le barbouillage !
